Mis à jour le 03.02.2015 Mentions légales

Pourquoi je porte mon attention à l’œuvre de Marcelle Cahn.

Lluïsa Faxedas Brujats est enseignante en histoire de l’art à l’Université de Girona en Espagne.


C’est en commençant à m’intéresser aux débuts de la peinture abstraite que j’ai découvert Marcelle Cahn et les autres femmes artistes qui avaient participé à cette période. J’ai été étonnée du nombre important de femmes qui s’étaient impliquées dans la peinture abstraite alors que leurs contributions sont méconnues et donc rarement étudiées. Et, lorsque des recherches ont été effectuées, elles se cantonnent toujours aux mêmes artistes à savoir Sonia Delaunay et Sophie Taeuber-Arp, sans se préoccuper des problèmes que ces femmes artistes ont dû affronter.

Par la suite, je me suis aperçue que pendant les années 1920, le nombre de femmes intéressées par l'abstraction avait considérablement augmenté : les constructivistes russes, les femmes du Bauhaus, et aussi, un nombre important d'artistes qui travaillaient á Paris. Ainsi, Marcelle Cahn et ses collègues de l'Académie Moderne ont participé à un nombre très important d'expositions et d’activités au cours de ces années-là dont apothéose fut le groupe Cercle et Carré.

Je trouve particulièrement intéressant de voir comment l'œuvre de Marcelle Cahn oscillait, dans les années 1920, entre l’abstraction - qui s'observe déjà dans quelques dessins au début des années vingt et surtout autour de 1925 - et le purisme. Je trouve fondamentale l’étude de Marie Luise Syring relative à cette partie de son œuvre. C’est la meilleure approche du travail de Marcelle Cahn et de sa vie à cette époque-là. Cependant, à mon avis, il reste encore bien des questions passionnantes à élucider. La question la plus intéressante: pourquoi s'éloigne-t-elle de l'abstraction à partir de 1930 et n’y reviendra-t-elle que dans les années 1950 ?

Je pense que le rôle joué par ces femmes artistes est très important, parce qu’elles se sont consacrées à l'art abstrait alors que celui-ci était un terrain complexe pour différentes raisons. D'abord, l'abstraction dans les années 1920 était très mal comprise en Europe en général, et notamment à Paris tant par les critiques d’art que par les galeristes et les collectionneurs. S’il a toujours été difficile pour les femmes de trouver un espace propre dans le «monde de l'art», pour celles qui se sont consacrées aux formes artistiques les plus avant-gardistes c’était tout à fait héroïque. Il faut savoir que la théorie qui fut sous-jacente aux premiers développements de l'art abstrait avait une composante clairement misogyne.

Sur les photographies du vernissage de l'exposition de Cercle et Carré, Marcelle Cahn apparaît au premier plan en manteau à col en fourrure, avec une attitude plutôt timide et retirée mais avec un regard ferme et décidé. A ce moment, toutes les femmes qui, comme elle, participèrent concrètement à l’histoire de l'art devaient être très fortes pour pouvoir se situer dans un contexte qui leur était si peu favorable. Je pense donc qu'elles méritent être étudiées avec une attention particulière. Les travaux de ces femmes artistes représentent un volet essentiel d’une période très importante de l'histoire de l'art moderne qui, a mon avis, n’a pas été suffisamment apprécié.

Texte original en espagnol de Lluïsa Faxedas Brujats. Traduction de Manuel Galavis Valero, revue par Sylviane Randane.


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